Axe 2 : Arpenter : territoires et monde sensible

a) Présentation

L’axe « Arpenter : territoires et mondes sensibles » regroupe des chercheurs qui s’intéressent à l’écopoétique dans le champ des études littéraires et cinématographiques.

Il s’inscrit dans les perspectives de la recherche en écopoétique qui anime depuis le tournant XXe-XXIe siècles. le champ des sciences humaines et des études littéraires comme cinématographiques. Ce courant envisage les productions littéraires et artistiques comme des constructions signifiantes qui mettent en relation l’humanité avec son environnement naturel, expérience dont il résulte une autre manière d’appréhender le monde en le pensant sur et surtout avec la nature. Que l’on traite d’œuvre d’écrit ou d’écran, l’élaboration de ce nouvel imaginaire environnemental où humains, animaux et végétaux, monde aquatique et minéral, cohabitent parfois difficilement, passe par un renouvellement des formes esthétiques et de ses modèles interprétatifs. Dans le domaine des études littéraires, si la critique de langue française s’est approprié des thématiques exploitées outre-Atlantique par l’ecocriticism, elle l’a fait dans une perspective moins exclusivement sociologique et politique qu’en s’attachant à des corpus dont la puissance stylistique lui semble digne d’étude, le travail d’écriture lui paraissant jouer un rôle essentiel dans l’approche et l’épiphanie du monde sensible. Cette perspective écopoétique oriente de même de nombreuses études cinématographiques actuelles. Outre la tradition des travaux sur le paysage à l’écran, ainsi la collection d’ouvrages de Yellow Now s’intéressant à la présence quasi magnétique de certains éléments naturels dans les films (neige, vent, etc.). Si l’héritage bachelardien ne nous quitte pas, ni celui des écrivains précurseurs d’une « géographie littéraire », avec cet axe il s’agit de mettre plus précisément l’accent sur la manière dont l’humain et le territoire s’éprouvent à la faveur d’une expérience textuelle et audiovisuelle de nature poétique, esthétique, sensible et organique que provoque le fait d’arpenter. Arpenter, c’est engager, en effet, l’expression de forces paysagères dans un processus imageant qui structure le monde des productions imaginaires d’écrit comme d’écran. Arpenter, c’est encore engager le corps et l’esprit au contact d’une expérience où les mots comme les images provoquent une production de sens dont le savoir n’est pas indépendant de la forme dans laquelle il est exprimé. Arpenter, c’est enfin jeter des passerelles (im)matérielles sur l’espace de cette terre de mots et d’images qu’il nous faut parcourir, sonder, explorer, pour graver de pages en plans des itinéraires de vie, de pensée et de sensibilité liant la communauté des vivants aux territoires qui les abritent.
 

b) Quand la nature résiste


 
  • Une double journée d'étude en éco-zoopoétique prévue en 2023-2024 envisage de dresser un état des lieux des différents discours théoriques en la matière. Elle servira d'introduction à une réflexion collective qu'entend mettre en place un projet de séminaire d'écopoétique à l'horizon 2024-2026, dont l'un des objectis sera d'exposer la diversité et la richesse du traitement littéraire et cinématographique de la notion de nature.
  • La publication prochaine du Dictionnaire de litt&nature dirigé par Philippe Chométy (PLH-ELH) et Jérôme Lamy (CNRS, CERTOP) à paraître aux éditions Classiques Garnier dans la collection « Dictionnaires et synthèses », s’inscrit dans cette problématique. À l’initiative de deux chercheurs impliqués dans les questions d’interdisciplinarité, l’un dans le domaine de la poésie scientifique (Philippe Chométy) et l’autre en histoire des sciences (Jérôme Lamy, CNRS-CERTOP), ce projet de dictionnaire se construit comme une enquête collective sur le phénomène d’appropriation par la littérature des savoirs sur la nature, quel que soit le nom qu’on lui donne : biodiversité, cosmos, environnement, Gaïa, locus amoenus, monde sensible, nature créatrice ou créée, paysage, Terre, univers, wilderness, etc. Il se propose de considérer sur la longue durée et sur un large espace les modalités très concrètes de désignation de la nature dans la littérature des origines à nos jours en étudiant les formes les plus diverses d’interprétation littéraire des savoirs sur la nature : poème de science, dialogue scientifique, roman de science-fiction, vulgarisation scientifique, catalogue, lapidaire, etc. Il s’ouvre aux approches théoriques les plus différentes afin d’interroger l’historicité des façons de dire la nature : écocritique, géopoétique, humanités environnementales, nature writing, histoire des relations entre littérature et savoirs, épistémocritique, etc. Il couvre également un certain nombre de notions fondamentales et problématiques : droit naturel, philosophie de la nature, état de nature, religion naturelle, etc. Lien : https://www.fabula.org/actualites/110385/dictionnaire-littnature.html
  • Sans préjuger de la forme que prendront les différents événements autour de la publication du Dictionnaire de litt&nature qui dépendront des partenariats qui s’établiront à l’échelle locale et régionale, ce projet sera complété par : des conférences sur les entrées thématiques du dictionnaire avec les co-directeurs du dictionnaire et des contributeurs ayant rédigé des notices, une table ronde autour de la notion de litt&nature, des ateliers d’« ÉcriNature », etc., dans le cadre des expositions programmées au Muséum de Toulouse, aux Jardins du Muséum à Borderouge, au Quai des savoirs, etc., mais aussi dans des lieux plus inédits : médiathèques de la périphérie, associations naturalistes, plein air.
  • L’édition d’une anthologie des traductions imprimées et manuscrites du De rerum natura de Lucrèce, sous la direction de Philippe Chométy, est une des activités de ce sous-axe. Dans l’épopée de la physis qu’est le De rerum natura, les « questions naturelles » sont pensées sous le signe du hasard, du vide, de la combinaison d’atomes. Les extraits sélectionnés et annotés dans cette anthologie en cours de préparation révèlent les différentes possibilités d’interprétation qui résultent du travail de traduction, entre humanisme, libertinisme, tradition polémique et culture des Lumières.


 

c) Imaginaires écopoétiques


Au titre des activités de cet axe, il faut déjà noter l'ouvrage suivant :

- Lignes de terre. Écrire le monde rural aujourd’hui, essai de Jean- Yves Laurichesse paru en 2020 dans la Revue des Lettres Modernes Minard/Classiques Garnier.
Cet essai porte sur la ruralité qui aurait pu sortir définitivement de la littérature avec la « fin des paysans », annoncée par Henri Mendras en 1967 dans un livre qui fit date. Ce thème privilégié du roman régionaliste, entaché de « pétainisme » après 1945, avait certes retrouvé la faveur du public dans les années 1970, mais plutôt par l’histoire ou le témoignage. L’enjeu de ce livre est de mettre en lumière la fécondité littéraire du thème rural à partir des années 1980. Qu’il s’agisse de restituer, non sans mélancolie, le « temps d’avant », ou de décrire les campagnes d’aujourd’hui, dans leur survie et leurs difficultés, le sentiment que quelque chose d’essentiel s’est perdu avec la « civilisation paysanne » hante les poétiques contemporaines.














Deux autres publications sont par ailleurs attendues très prochainement (2023) :

Routes et dé-routes dans la littérature francophone subsaharienne, Adama Coulibaly & Serge Agnessan (dir.), Revue des Lettres modernes-Minard, Classiques Garnier.

Ce collectif sur le point de paraître dans la série « Littératures francophones au présent » dirigée par Sylvie Vignes se donne pour but de combler une lacune en étudiant dans les fictions africaines les multiples représentations de la route, axe de déplacement mais aussi premier maillon de la conquête de l’homme, celui où il se projette hors de son « chez-soi » à la rencontre d’aventures, de découvertes et de potentielles déroutes. Comme le montrent les treize textes, la route constitue un lieu incontournable pour aborder les questions de la mobilité littéraire et cinématographique.

- Chemins de France, Philippe Antoine et Jean Yves Laurichesse (dir.), Bibliothèque des Lettres modernes, coll. « Voyages contemporains », n°54, Classiques Garnier.

Ce collectif dessine les contours d’une poétique du cheminement marquée par un usage du monde singulier : acceptation et revendication de la lenteur, attention à la banalité et au vernaculaire, disponibilité à l’ailleurs, aux autres et à soi. Ces différents traits, la liste n’est pas exhaustive, pourraient aboutir à la caractérisation d’un « art du voyage » (entendu à la fois comme pratique et discours) tendu vers une approche sensible et rationnelle d’une France rurale peut-être en train de nous échapper.

S’agissant des activités plus collectives, plusieurs manifestations sont aussi programmées.
 

Tout d’abord un colloque « jeunes chercheurs » initié par des doctorants et docteurs en études cinématographiques (Tristan Terral, Jacques Demange et Antoine Guégan) et ouvert aux études littéraires. Ce colloque Les imaginaires du Sud à l’écrit et à l’écran, qui se tiendra du 12 au 14 avril 2023, vise à comprendre comment l’imaginaire des Suds a pu se construire et évoluer en fonction des regards que romanciers, essayistes et cinéastes ont su et voulu poser sur lui. La question de l’imaginaire invite ainsi à une rencontre entre les différentes disciplines que sont la littérature et le cinéma, ouvrant sur une transversalité de la recherche qui s’inscrit pleinement dans la problématique des héritages culturels développée par l’équipe ELH et plus largement par le laboratoire PLH.

- Les 27 et 28 juin 2023 aura lieu à l'université de Potsdam (Allemagne) un colloque international co-organisé par Fabienne Bercegol (PLH), Pierre Glaudes (Sorbonne Université), Cornelia Klettke (Institut de Romanistique, Université de Potsdam) sur "Le monde végétal du crépuscule des Lumières à la fin du XIXe siècle". Ce colloque croisera des approches littéraires, artistiques et scientifiques (l'histoire de la botanique).

- Programmé en 2024, un autre colloque, international, Filmer le fleuve (Philippe Ragel), s’intéressera à la figuration du fleuve à l’écran et ses modulations paysagères. On privilégiera ici l’approche esthétique et poétique que son motif plastique engage, sa puissance imageante, partant que le fleuve, c’est du temps inscrit dans l’espace, une traversée, un récit de la nature et des hommes qui l’arpentent, gravant sur son passage celui de l’Histoire, et de leur histoire.
 

d) Le tournant animal



Dans ce sous-axe, il convient de noter une première publication en 2020 : Diversité, altérité, intensité. Des animaux en littérature, Sylvie Vignes, éditions Atlande.


 
- Diversité, altérité, intensité. Des animaux en littérature, ouvrage de Sylvie Vignes paru en octobre 2020 aux éditions Atlande.
Suite au tsunami qui a ravagé les côtes sri lankaises en 2004, une soudaine prise de conscience amenait, on s’en souvient, Emmanuel Carrère à écrire D’autres vies que la mienne ; dans une perspective à la fois proche et tout autre, cet ouvrage constitue une invitation à nous confronter un moment à d’autres vies que la nôtre.
Il traite en effet des animaux sauvages, tels que les présentent les littératures narratives de langue française depuis le « tournant animal » (Sophie Milcent-Lawson) amorcé vers la fin de la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à nos jours. Avec la naissance et le développement de l’écopoétique et de la zoopoétique, il ne s’agit notamment plus de disserter sur le concept de « l’Animal », mais de regarder les animaux dans leur diversité et leurs individualités.

Journée d'étude éco-zoopoétique (voir sous-axe 1).