Axe 2 : Goût et dégoût du patrimoine : productions littéraires, culture matérielle, pratiques sociales

Dans la continuité de l’axe du projet précédent intitulé « Prix et mépris de l’héritage », on poursuit et approfondit l’exploration de l’envers et des revers du patrimoine, c’est-à-dire son pôle négatif et, à travers la tension entre goût et dégoût, les enjeux axiologiques, les questions de valeurs du patrimoine. On s’attache à dégager la relation que ces valeurs pouvaient entretenir entre elles, notamment entre laideur et beauté, pour examiner dans quelle mesure ces deux notions se sont construites comme le reflet inversé de l’une dans l’autre ou au contraire dans quelle mesure une forme d’asymétrie a pu s’installer entre elles, la laideur s’orientant vers la réalité, la beauté vers l’idéal.

On vise aussi à cerner les acteurs de ces processus : qui fixe ce qui est digne ou pas d’être reçu en héritage ? à travers quelles actions et quelles formes de validation ? Sur la base de quels critères détermine-t-on la valeur ou l’absence de valeur attachée à une époque, une œuvre, un courant ? La mise en tension entre goût et dégoût sert de ligne d’enquête, y compris dans sa dimension sociologique, en écho aux travaux de P. Bourdieu sur la distinction sociale et sa théorie des champs. Qu’il s’agisse de productions littéraires ou artistiques, d’usages alimentaires ou vestimentaires, de styles de vie, de postures esthétiques ou de discours sur le goût, bon ou mauvais, on envisage l’inscription de l’esthétique dans l’univers social. Foncièrement interdisciplinaire, cet axe se déploie dans une série rencontres scientifiques qui donneront lieu à une ou plusieurs publications.

Le projet de PLH s’est articulé avec le projet AGEMO porté par diverses institutions (en particulier la Casa de Velazquez, l’Ecole française de Rome et l’université de Tunis) et centré sur l’Archéologie du goût en Méditerranée occidentale aux époques phénicienne et punique. Le colloque IV de ce projet s’est tenu à Toulouse les 7-8 février 2022 sur le thème « Le Goût des autres : les Phéniciens au prisme des sources grecques et latines, de l’historiographie et des arts modernes et contemporains. Les Actes ont été publiés dans Anabases 37, 2023 (https://journals.openedition.org/anabases/15200).

  1. Les activités
- Journée d’étude du 11 avril 2023 : « Le monstre, figure inversée de l’esthétique, et ses ambiguïtés »

Le monstre est une figure présente aussi bien dans l’art que dans la littérature et au cinéma. Avec sa double face esthétique et morale, il se prête aux approches diachroniques. La construction de sa morphologie tient souvent de l’hybridité ou de la déformation. Hautement ambigu, le monstre est à la fois effrayant et protecteur.

8 communications et une introduction, couvrant un large arc temporel, de l’Antiquité au contemporain, et plusieurs disciplines : histoire de l’art, littérature, archéologie, histoire des représentations.

- Journée d’étude 28 mars 2024 : « Explorer la marginalité du goût ».

Le goût étant une notion fortement normative, dans la vision qu’en a développé Pierre Bourdieu, le « bon goût, par opposition au « mauvais goût » ou à « la faute de goût » (notion explorée par une journée d’étude des doctorants de PLH en 2021), sert à discriminer selon des jugements de valeur. Comment divers processus d’exclusion ou de marginalisation se sont-ils appuyés sur les notions de goût et de dégoût pour traduire des hiérarchies sociales ? Si les goûts des « élites » ont été largement étudiés, ceux des marginaux demeurent davantage dans l’ombre et entraînent l’esthétique du côté d’espaces moins normés, peut-être plus créatifs, à distance des codes dominants. Dans le sillage des subaltern studies, qui s’efforcent de redonner voix aux oubliés, aux silencieux, aux invisibles de l’histoire, on interrogera les goûts et dégoûts depuis les marges, là où l’emprise de l’hégémonie culturelle est moins prégnante. Ce décentrement vis-à-vis des normes sociales est l’occasion de s’intéresser à diverses catégories comme les pauvres, les mendiants, les professions itinérantes, les mages, les gens du voyage, les esclaves, les porteurs de handicap, les migrants, etc., largement présents dans toute la littérature, les arts et le cinéma. Les marginaux peuvent aussi être ceux qui habitent loin, aux marges du monde connu.

9 communications et une introduction, couvrant aussi un large arc temporel, de l’Antiquité au contemporain, et plusieurs disciplines : histoire de l’art, littérature, archéologie, histoire des représentations, ainsi que le cinéma.

  1. Les perspectives

On envisage une 3e Journée d’étude en juin 2025 sur le Goût au prisme du genre. Après quoi, on fera un choix parmi les communications pour proposer un ouvrage collectif ou un dossier de revue à l’horizon fin 2025.