Axe 1- ELH, La construction de soi dans les textes du Moyen Age : individu, subjectivité, ethos (responsable : Florence Bouchet)

Les notions d’identité et d’individu au Moyen Âge sont extrêmement complexes et sont débattues depuis des décennies par les historiens et les anthropologues. L’histoire des mentalités a été rejointe par celle des sentiments et, plus récemment, des émotions. La représentation du sujet dans les textes (littéraires ou d’autre nature) et les images (souvent en interaction avec des textes) offre un large champ d’investigation, creusé par l’ampleur temporelle du Moyen Âge, qui se prête à des approches pluri- ou transdisciplinaires. Les activités menées dans cet axe ont choisi tantôt la synchronie médiévale, tantôt la diachronie étendue de l’Antiquité à nos jours.
 
La figure archétypale de « l’homme sauvage » interroge la « nature » humaine et, en creux, la place de l’individu en société. Elle a fait l’objet d’un gros programme de recherche mené par Cristina Noacco et Sophie Duhem (FRAMESPA, UMR 5136) et décliné à travers plusieurs manifestations, dans une perspective à la fois diachronique et transdisciplinaire. Le séminaire « Homme sauvage, qui es-tu ? Sur les traces d’une figure polymorphe », qui s’est tenu à l’UT2J le 26 novembre 2015, s’est attaché à la définition des traits caractéristiques de l’homme sauvage ; les deux journées d’étude « Homme sauvage, qui es-tu ? Éthique et esthétique d’une figure à la frontière des mondes », qui se sont déroulées également à l’UT2J les 6 et 7 avril 2016, ont porté sur les enjeux éthiques et esthétiques de la représentation de ce motif. Le colloque international « L’homme des bois et l’homme vert. L’imaginaire de l’homme sylvestre dans la littérature et les arts » (UT2J, 8-9 février 2017) a permis d’élargir la réflexion à des spécialistes internationaux et de focaliser l’étude sur le motif central de l’homme sylvestre. La collaboration entre quatre laboratoires regroupant des littéraires et des historiens de l’art (FRAMESPA et PLH/ELH de l’UT2J, CELLAM et HCA de Rennes 2), a abouti enfin à l’organisation d’un colloque international organisé par Christine Ferlampin-Acher (CELLAM) et Bruno Boerner (HCA) sur « La femme sauvage dans les arts et les lettres » (Rennes, 13-14 octobre 2016). Un premier volume d’actes vient de paraître, L’Homme sauvage dans les lettres et les arts (Rennes, PUR, 2019), qui réunit les différentes contributions prononcées à Toulouse. Il sera suivi d’un deuxième volume pour ce qui est de La Femme sauvage dans les arts et les lettres.
 
La démarche autobiographique a fait l’objet d’une approche renouvelée, dans la perspective d’une étude des rapports complémentaires et conflictuels que l’écriture de soi noue avec l’image sous toutes ses formes (photographique, dessinée, cinématographique). Une collaboration suivie avec Olivier Leplâtre, Professeur de Littérature française du XVIIe siècle à Lyon 3 et chercheur associé à ELH, a d’abord donné lieu à une Journée d’étude (UT2J, 31 janvier 2014) préparatoire au colloque international « Territoires autobiographiques : récits-en-images de soi » organisé par Philippe Maupeu, avec la participation du laboratoire CAS, qui s’est tenu les 17, 18 et 19 novembre 2016 à l’UT2J et à la médiathèque Cabanis. Les Actes ont pour partie été publiés en 20018 dans le n° 78 de la revue Littératures dirigé par Philippe Maupeu. La seconde partie des Actes est en cours de publication sur la revue en ligne Textimage, dirigée par A. Barre (Lyon 3), la coordination en est assurée par Olivier Leplâtre (Lyon 3) et Ph. Maupeu. Ce cycle de manifestations s’est poursuivi lors du colloque international de Lyon les 22, 23 et 24 mars 2018 (« Récits en images de soi (2) : dispositifs »), co-organisé avec les laboratoires IHRIM (UMR 5317) et CIHAM (UMR 5648), avec la participation de chercheurs d’ELH (Fabienne Bercegol, Philippe Maupeu). 
 
La mise en fiction du sentiment amoureux a construit une topique révélatrice d’une dimension essentielle de l’être humain. La Journée d’étude « Le mal d’amour. Héritage et réminiscences dans la littérature anglaise contemporaine » (UT2J, 11 avril 2018), organisée par Cristina Noacco et Héliane Ventura (CAS), a exploré la représentation du mal d’amour du Moyen Âge à la période contemporaine, en s’appuyant sur la résurgence de certains de ses traits caractéristiques.
 
Analyser la construction d’une figure d’auteur permet de situer l’individu dans le champ littéraire ; trois auteurs ont été à l’honneur. La Journée d’étude « 2000 ans déjà… Aspects de la réception d’Ovide », organisée à l’UT2J par Cristina Noacco et Jean-Luc Lévrier (CPGE, lycée Saint-Sernin de Toulouse) le 10 octobre 2017, a exploré divers aspects de la réception de l’œuvre d’Ovide (l’auteur des Métamorphoses, le poète de l’amour et de l’exil) du Moyen Âge à l’époque moderne, à travers différentes approches : commentaires philosophiques, réécritures, codicologie, traduction, figurations artistiques. Un dossier de travaux issus de cette journée va paraître dans Anabases 29 (printemps 2019). Une Journée d’étude consacrée aux Lais de Marie de France au programme des Agrégations de Lettres 2019, organisée à l’UT2J le 8 janvier 2019 par Éléonore Andrieu, a permis à des membres d’ELH de dialoguer avec des spécialistes d’autres disciplines (histoire, philosophie) autour des formes labiles de la narration dans un manuscrit réunissant plusieurs textes brefs sous un nom d’autrice, « Marie de France ». On peut inférer là la construction autant que la reconnaissance, sans nul doute postérieure à la diffusion des textes, d’un èthos particulier susceptible de rassembler plusieurs énoncés a priori autonomes. Cette journée a donné lieu à une publication en ligne sur le site de la Société Internationale de Littérature Courtoise : Les possibles de la narration dans les Lais de Marie de France, É. Andrieu dir., février 2019. Elle a aussi permis de mettre en place une collaboration, qui vise à être développée dans des projets à venir, avec les historiens du FRAMESPA ainsi qu’avec l’EPHE. Alain Chartier (1385-1430), secrétaire de Charles VII, fut, en pleine guerre de Cent Ans, tout à la fois un diplomate, un humaniste chrétien et l’un de nos premiers écrivains engagés. L’émotion est palpable dans le Livre de l’Espérance, qui décrit le débat intérieur du narrateur, bouleversé par l’état chaotique de la France. La Journée d’étude internationale « Lectures croisées du Livre de l’Espérance : enjeux éthiques et esthétiques », organisée le 10 avril 2015 par Florence Bouchet et Philippe Maupeu, a permis de faire le point sur la dernière œuvre, encore sous-étudiée, du clerc normand ; les travaux ont été publiés dans les Cahiers de recherches médiévales et humanistes 33-1 (2017).
 
Le colloque international « Le pouvoir des lettres sous le règne de Charles VII (1422-1461) », organisé du 31 janvier au 2 février 2018 par Florence Bouchet et Philippe Maupeu, a poursuivi la réflexion sur Chartier et l’a élargie à l’activité littéraire sous le règne du roi « bien servi » afin de mieux saisir le rôle qu’une classe particulière d’individus, les écrivains, a pu jouer à un moment crucial de l’histoire de la nation. Le contexte historique troublé suscite diverses postures d’auteur et stratégies d’autorisation qui font advenir l’éloquence des « orateurs » français et permettent d’observer l’élaboration littéraire de la subjectivité et des émotions. La publication des Actes chez Champion est en préparation.
 
Conformément à la politique de PLH pour la diffusion des savoirs dans la Cité, la problématique de l’axe 1 a donné lieu à trois cycles de conférences pilotés par Florence Bouchet à l’Université du Temps Libre de Toulouse et traités en diachronie, du Moyen Âge à nos jours : « Récits de vie, récits de soi » (2016), « François Villon, du poète à la légende » (2017), « Affaires de familles : quelle histoire ! » (2019).