AXE 2 : PATRIMOINE ET SOCIÉTÉS

Responsable : Jean-Marc Luce

Ce deuxième axe décline l’une des thématiques fondamentales de PLH : le patrimoine. Il s’agit pour le CRATA tout à la fois de produire des données inédites (fouilles archéologiques, analyses linguistiques) et de développer des problématiques neuves, afin de profiter pleinement de la pluridisciplinarité qui caractérise ses membres. Deux orientations principales ont été retenues et ont été développées au cours de ce quinquennal.

   

Plan de page

a. Traces de passé. 
La première concerne la recherche des traces du passé et rassemble les programmes de recherche archéologique et les études sur les corpus documentaires : Le projet Recherches sur la ville de Delphes, engagé lors du précédent quinquennal, s’est poursuivi de façon très active, en collaboration avec l’École française d’Athènes (financement EFA, CRATA et fonds de dotation KHEOPS). Les fouilles proprement dites se terminent mais l'équipe poursuit son travail sur le site de Delphes et l'analyse des artefacts, toujours en étroite collaboration avec l'EFA. Pour en savoir plus, consultez la présentation du projet "Sur la ville de Delphes".

Le CRATA est co-porteur d’un projet de collaboration avec trois autres grandes institutions : l’Institut archéologique allemand (DAI), l’EFA et  le Römisch-Germanisches Zentralmuseum de Mayence (RGZM). Il s’agit d’un programme de comparaison entre les deux principaux sanctuaires de la Grèce antique  qui s’intitule : « How to become a panhellenic sanctuary ». Ce programme en est à la phase préparatoire, mais il regroupe déjà des chercheurs de ces quatre institutions. Deux manifestations scientifiques ont été organisées par le CRATA dans le but de préciser les problématiques et les approches. La première, en juin 2016, organisée par  Jean-Marc Luce et Anne-Zahra Chemsseddoha, docteur de l'équipe et membre associée, intitulée Delphes et Olympie, était une table ronde destinée à faire le point sur le mobilier votif, le culte et l’environnement des deux sanctuaires.
 La seconde qui portait sur Cultes, offrandes et sanctuaire dans le bassin méditerranéen, en janvier 2018 à l'occasion de la venue au sein de l'équipe de Raimon Graells i Fabregat, spécialiste des offrandes métalliques (Römisch-Germanisches-Zentralmuseum, RGZM– Mainz), a permis d’affiner le projet. Deux autres rencontres ont eu lieu à Mayence au RGZM en octobre 2017 et 2018. 
Le développement du programme de recherche sur Delphes avait aussi été l’occasion d’interroger la littérature, à partir de l’archéologie, de façon neuve et fertile au cours du précédent quinquennal. C’est dans cet esprit qu’avait été organisé en 2014, au niveau PLH, le colloque « Delphes dans la littérature », désormais publié (classiques Garnier 2018, Jean-Marc Luce dir.). 
 
Le programme GARONNE mené sous la direction du CRATA, a l’originalité de relever à la fois de la recherche et de la pédagogie. Il s’agit d’un programme de prospections pédestres organisées chaque année avec les étudiant.e.s en archéologie inscrits en Licence 3 (mais ouvert aux étudiant.e.s de Master). Si le programme est dirigé par un chercheur du CRATA, il intègre de nombreux archéologues membres des laboratoires TRACES (UMR 5608) et FRAMESPA (UMR 5136) de l’université. Au cours de ce quinquennal, les prospections ont porté sur les communes de Larra et Grenade. L’activité de recherche s’est concentrée plus particulièrement sur les sites romains d’Embergé, de Beilard et de Saint-Caprais. À Ondes, un site néolithique-âge du bronze ancien a été découvert et un mobilier intéressant a été relevé. Il est à l’étude. 
Ces travaux ont abouti à la rédaction de rapports détaillés rendus au SRA (Service Régional de l’Archéologie) et à de notices publiées dans Bilan scientifique, la publication annuelle de la DRAC (Direction Régionale de l’Archéologie). Ce projet renforce l'ancrage du CRATA dans la région Occitanie.
 
Au cours de ce quinquennal a émergé une nouvelle thématique de recherche, à la croisée des études archéologiques et historiques sur le rôle du bois dans l’architecture antique (responsable : Sylvie Rougier-Blanc). Le bois est un matériau fréquemment utilisé dans l’Antiquité et dans la Protohistoire égéenne (charpentes, planchers, murs, supports et fenêtres), mais très rarement étudié comme tel du fait du peu de vestiges qui subsistent. L’équipe propose de reconsidérer la place de ce matériau « invisible » et a présenté un premier projet ANR (TEKTON 2017, non retenu) sur ce thème. Une thèse portant sur « Les charpentes dans l’architecture religieuse grecque du VIe au IVe siècle avant J.-C. : l’apparition des structures à longue portée », sous la direction de Jean-Marc Luce (UT2J, PLH-CRATA) et de Jean-Charles Moretti (CNRS, IRAA) est en cours (Stéphane Lamouille, CDU TESC CRATA 2016-2019). Deux journées d’études ont été organisées en avril 2018 sur un aspect des nombreuses problématiques liées à la place du bois dans le bâti, et en partenariat avec l’équipe TRACES-RHAdAMANTE (org. S. Lamouille, P. Péfau, S. Rougier-Blanc) : « Bois et architecture dans la Protohistoire et l’Antiquité (XVIes. av. J.-C.-IIe s. ap. J.-C.). Grèce, Italie, Europe Centrale. Approches méthodologiques et techniques ». L’enjeu de ces journées était de tenter de déterminer le rôle structurel du bois, dans les murs, les charpentes, et de confronter les connaissances des Protohistoriens et des Antiquisants, spécialistes du bâti en ce qui concerne les équilibres structurels. Le dossier sera publié dans la revue Pallas n°111/oct-nov.2019. Il a confirmé l’intérêt d’une approche transdisciplinaire (archéologie, histoire, architecture, ingénierie structurelle, recherches paléoenvironnementales) pour traiter le sujet de façon renouvelée. Dans ce but, un atelier de recherche pluridisciplinaire (Workshop), réunissant des partenaires de TEKTON 2017 (EFA, IRAA) et de nouveaux collaborateurs (Polyteknikon d’Athènes) est programmé les 13 et 14 juin 2019 : « Étudier les usages du bois dans l’architecture grecque antique : approches méthodologiques ». Cet atelier a été sélectionné par la Maison des Sciences de l’Homme de Toulouse pour bénéficier d’un petit soutien financier (Appel À Projet 2019 WORKSHOP MSHS-T). L’ère géographique a été réduite (Grèce, Crète) et les enjeux redéfinis à la suite des conclusions des journées d’études d’avril 2018 et des retours d’expertise. Il s’agit de déterminer un protocole d’analyse des données, un choix des sites archéologiques à retenir dans le but de présenter une nouvelle mouture, plus convaincante, du projet TEKTON.
 
À côté de l’archéologie, il faut intégrer dans ce sous-axe les recherches de linguistique, qui ont pris un développement nouveau au sein du CRATA. 
 
L'équipe a en effet accueilli en juin 2015, à Toulouse, le 18e Colloque international de linguistique latine (ou CILL, org. Olga Spevak, Éric Foulon et V. Gitton -Ripoll) 
Depuis trente années, le Colloque International de Linguistique Latine est organisé régulièrement selon un rythme bisannuel, sous les auspices d’un comité scientifique international composé de Gualtiero Calboli (Università degli Studi di Bologna), Michèle Fruyt (Université de Paris IV-Sorbonne), Benjamin García Hernández (Universidad Autónoma de Madrid), Gerd V. M. Haverling (Uppsala Universitet), Manfred Kienpointner (Universität Innsbruck), Caroline Kroon (Universiteit van Amsterdam & Vrije Universiteit van Amsterdam), Dominique Longrée (Université de Liège et Université Saint-Louis-Bruxelles), Paolo Pocceti (Università di Roma Tor Vergata), Hannah Rosén (The Hebrew University of Jerusalem) et de Olga Spevak (Université Toulouse Jean Jaurès). 
Le colloque de Toulouse a réuni les meilleurs spécialistes mondiaux de la discipline. Cette manifestation, de très grande ampleur, a accueilli près de 140 participants dont 100 ont présenté une communication ; elle s’est déroulée en partenariat avec le Musée Saint Raymond de Toulouse.  Le colloque a été publié dans les numéros 102 et 103 de la revue Pallas, Études de linguistique latine I et II en 2016 et en 2017 sous la direction d’Olga Spevak. 
Le numéro 102 de Pallas contient des études consacrées à la syntaxe (syntagme nominal et constructions verbales), à l’anaphore et à la deixis ainsi qu’à la pragmatique (connecteurs, constructions clivées, actes de parole…). Certaines contributions explorent de nouveaux concepts (focus d’empathie, solidarité…) ou de nouvelles méthodes, d’autres offrent des développements en diachronie du latin, d’autres proposent des perspectives d’ordre typologique. Le numéro 103 de Pallas regroupe les contributions à la phonologie, à la morphologie, au lexique et aux autres domaines. On y trouve de nouvelles explications de phénomènes phonologiques (lois phonétiques) ou morphologiques (génitif, vocatif, morphologie verbale), des études consacrées aux préverbes et aux prépositions, des questions variées concernant le style et le lexique, la prosodie et la métrique ainsi que la rhétorique. Une section spéciale est réservée aux hellénismes en latin. Ces études explorant des domaines variés permettent non seulement d’enrichir notre connaissance du latin mais aussi de faire le point sur telle ou telle question et d’offrir des perspectives pour les recherches ultérieures. 
 
De plus l’équipe a soutenu financièrement la publication de l’HDR d’Eric Dieu, spécialiste de linguistique grecque et indo-européenne, L’Accentuation des noms en *-ā (*-eh2) en grec ancien et dans les langues indo-européennes. Étude morphologique et sémantique, Innsbruck, collection des Innsbrucker Beiträge zur Sprachwissenschaft, 156, (2016). 
 
 Les linguistes de l'équipe ont aussi développé, pendant le quinquennal, un programme intitulé Le latin archaïque, permettant de recueillir les témoignages d’une société à travers l’épigraphie : le  recueil complet – textes épigraphiques latins traduits et commentés –  est disponible en ligne sur le site personnel d'Olga Spevak, en attendant une publication exhaustive.
 
Dans le cadre du GDR THEATHRE (Théâtre antique) rattaché à l’université Paris 8 et dirigé par Brigitte Le Guen, Professeur d’Histoire Ancienne, Marie-Hélène Garelli, membre du CRATA, a animé de 2015 à 2018, un axe de recherche sur le Théâtre à Rome, auquel participaient plusieurs spécialistes français du théâtre latin et  grec d’époque romaine (Jean-Christian Dumont, Paris Ouest Nanterre) ; Isabelle David (Université Montpellier 3) ; Pascale Paré-Rey, (Université Lyon III) ; Guillaume Flamerie de la Chapelle (Université Bordeaux 3) ; Jean-Pierre Aygon (PLH-CRATA, aujourd'hui membre associé) ; Nathalie Lhostis (Docteur-académie de Lyon). M.-H. Garelli coordonne actuellement, dans cet axe, la publication d’un travail collectif pour les éditions De Boccard, collection “Chorégie (dirigée par Brigitte Le Guen), Le public de théâtre à Rome : traduction-commentaire des sources littéraires, juridiques et épigraphiques sur le public de théâtre à Rome, soit 150 sources publiées sur 180 pages. Le travail d’édition, traduction, commentaire étant aujourd’hui achevé, elle rédige l’introduction scientifique à la publication, conçue comme un véritable article synthétisant les apports de ces recherches.
 
b. Populations, ethnicité et sociétés. 
Tandis que la première orientation des recherches du CRATA dans le cadre de cet axe, portant sur la recherche des traces du passé, plaçait le chercheur directement au contact des  sources primaires, la seconde relève davantage de l’interprétation historique et sociale des sociétés anciennes. C’est dans ce cadre qu’il faut situer les recherches d’Anne-Zahra Chemsseddoha, auteur d’une thèse soutenue en 2015 (dir. Jean-Marc Luce) qui vient d’être publiée chez Ausonius avec le soutien du CRATA (coll. Scripta Antiqua n°121) : Les pratiques funéraires de l'âge du fer en Grèce du Nord, étude d'histoires régionales (2019, 479 p.).
 
Ce travail repose de façon neuve la question du rapport entre pratiques funéraires et ethnicité en Macédoine et dans les régions environnantes ; elles poursuivent aussi les recherches de l’équipe sur la thématique du funéraire réalisées lors du précédent quinquennal et qui a abouti notamment à la publication d’une journée d’étude organisée par les doctorant.e.s du CRATA : Anne-Zahra Chemsseddoha, avec la collaboration de Matthieu Scapin, “L’objet dans la tombe en Grèce et en Grande-Grèce à l’âge du fer”, Pallas n° 94, 2014, 198 p. 
 
Plus directement ancrée dans des problématiques historiques et relevant davantage de la sociologie des sociétés anciennes, le thème choisi,  Regards croisés, Sociétés contemporaines/sociétés anciennes, permet d’interroger les sociétés anciennes à partir des problématiques des contemporanéistes et des sociologues de notre époque. L’enjeu épistémologique de cette démarche consiste, en se gardant de tout anachronisme, à  mettre les sociétés grecques des cités à l’épreuve de questionnements actuels, pour contribuer à mesurer la distance qui existe entre elles et notre monde, tout en se démarquant des problématiques propres aux Anciens que relaient les sources littéraires. Les visions très primitivistes des sociétés antiques peuvent alors être questionnées. Ces « regards croisés » s’appuient sur l’ancrage indispensable et incontournable du chercheur dans son époque, en confrontant les représentations, les usages et les pratiques d’hier et d’aujourd’hui. Au-delà de l’outil méthodologique que constitue cette perspective, les « regards croisés » rendent aussi possible une mise à distance dans l’interprétation des rapports sociaux actuels. 
- La publication de l'ouvrage sur La Pauvreté en Grèce ancienne. Formes, représentations, enjeux, Scripta Antiqua 57, Ausonius éd., 2014, Galbois Estelle et Rougier-Blanc Sylvie (éd.) a posé les premières jalons d'une approche plus ciblée qui a permis à ce sous-axe de prendre une dimension plus large au sein de l'équipe. 
- Au cours de l’Atelier de recherche en histoire sociale du 14 avril 2016 (org. S. Rougier-Blanc), en présence de David Pritchard (Melbourne, Australie) et Étienne Helmer (Porto Rico, USA), ont été discutées les nouvelles orientations en histoire sociale de l'Antiquité et la nécessité de dépasser l'histoire des élites, thème dominant de l'historiographie depuis les trente dernières années, pour aborder davantage la fabrique des marges (les pauvres, les exclus et tout ceux qui s'écartent de la norme sociale). 
- C'est dans cette lignée qu'a été organisé en mars 2017 un colloque international du CRATA sur Maigreur et minceur dans les sociétés anciennes, Grèce, Orient, Rome, pluridisciplinaire et mêlant chercheurs de renom (Danielle Gourevitch, John Wilkins) et jeunes chercheurs. Le volume est à paraître, aux éd. Ausonius dans la collection scripta Antiqua, (E. Galbois et S. Rougier-Blanc, éd.). Dans nos sociétés contemporaines occidentales prédomine le culte de la minceur et on observe une augmentation constante des pathologies graves liées aux troubles de l’alimentation (dont la boulimie et l’anorexie). La réflexion sur la représentation de la minceur (connotée positivement), sur la conception de la maigreur (jugée négativement) dans les sociétés anciennes, a permis de souligner les points communs mais aussi les différences notables entre ces cultures et la nôtre,  à travers l’étude de leur regard et de leur jugement de valeur sur ce qu’est un corps jugé sain. 
- En avril 2019, s’est déroulé un second colloque d’équipe rattaché à ce sous-axe, sur Déchéance et réhabilitation des objets, des espaces, des personnes, dans les sociétés gréco-romaines : autour des notions de classement et de déclassement, (org. Jean-Christophe Courtil, Estelle Galbois, François Ripoll et Sylvie Rougier-Blanc). Rattachée à l’axe 3 du projet PLH (voir supra bilan scientifique de PLH), en même temps qu’à cet axe du CRATA, le colloque s’inspire des travaux sociologiques sur les notions de déclassement et de reclassement. 
La publication est prévue chez le même éditeur et dans la même collection que les colloques précédents pour constituer un triptyque : pauvreté, maigreur, déchéance  sont en effet de trois facettes d’une histoire des marges qui permet une approche décentrée des sociétés anciennes. 
 
Dans le projet élaboré au cours du précédent quinquennal, un travail portant sur les réseaux d’artistes était prévu, en écho aux recherches menées par ERASME, sur les réseaux de savants dans l’Antiquité (dépôt d’une demande d’ANR). Mais devant l'absence de financement à long terme, le CRATA a dû renoncer à cette thématique, au profit de thématiques émergentes (dont le rôle du bois dans l’architecture).