AXE 1 : REPRÉSENTATIONS DANS L’ANTIQUITÉ

Responsable : François Ripoll

 
a. La perception dans l’Antiquité. 

L’équipe a poursuivi et terminé l’étude des moyens de perception humains avec la clôture du sous-axe sur les cinq sens dans l’Antiquité. Ces recherches s’articulaient aux travaux anthropologiques faits dans ERASME sur la notion de paysage sensible, notamment dans et autour des sanctuaires, et répondaient à ceux engagés par ELH sur les cinq sens au Moyen Âge. 

La question des cinq sens  a donné lieu à la fois à de nombreuses manifestations scientifiques, à des publications et à des conférences tous publics qui ont fédéré les forces du CRATA. Le sujet suscite actuellement une véritable effervescence scientifique, qui est à relier à l’intérêt porté aux problématiques anthropologiques touchant au corps et à l’histoire des émotions et des affects. Il s’agit là d’une question universelle, profondément liée à la nature humaine et permettant de nous relier aux hommes de tout temps parce que nous ressentons tous le monde au niveau sensoriel. Et pourtant, les témoignages des Anciens démentent cette opinion : les Anciens ne ressentaient pas exactement le monde comme nous. La recherche sur les sens a précisément consisté à s’établir dans le passé lointain pour tenter de comprendre comment les hommes et les femmes de l’Antiquité vivaient la sensation, la pensaient, la représentaient, comment s’organisait pour eux le monde sensible et, à travers ou par-delà lui, l’univers entier. Il s’agissait donc d’un appel au décentrement, à un déplacement dans le temps pour tenter d’accéder à des modes de sentir différents des nôtres, mais qui peuvent nous apprendre beaucoup sur notre humanité.

À la croisée des disciplines, alliant linguistique historique, littérature, philosophie, histoire, et, partout où c’était possible, archéologie et histoire de l’art, ces travaux se sont adossées à un séminaire de Master pendant trois années consécutives. Après l’étude d’un premier sens dans le quinquennal précédent (« Regard et représentation dans l’Antiquité »), les autres sens ont donné lieu à plusieurs séminaires auxquels furent conviés des spécialistes de ces questions :

— « Sons et audition dans l’Antiquité », janvier-avril 2014 (organisateur : Régis Courtray) ; 

— « Toucher le corps », janvier-avril 2015 (organisateurs : Régis Courtray et Jean-Christophe Courtil) ;

— « Des goûts et des odeurs », janvier-avril 2016 (organisateurs : Régis Courtray et Jean-Christophe Courtil).

Au total, 55 conférences ont été données, portant sur l’Antiquité grecque, romaine, égyptienne, le monde biblique ; 1 performance de musique grecque antique; 1 conférence-dégustation de pâtisseries grecques anciennes (un pâtissier a proposé quelques recettes de gâteaux inspirées du catalogue d’Athénée de Naucratis traduit par l’équipe) ; 2 ateliers sur les parfums antiques (coordonnés par Amandine Declercq de l’entreprise toulousaine Les fées bottées, qui s’attache à reconstituer onguents et parfums de l’Antiquité) ; enfin, 4 volumes d’actes publiés dans des revues, reprenant une grande partie des communications sur les sens dans l’Antiquité, sont parus : 

— Dans le quinquennal précédent : Régis Courtray (éd.), Regard et représentation dans l’Antiquité, Pallas, 92, 2013, 329 p. 

— Régis Courtray et Jean-Christophe Courtil (éds.), Sons et audition dans l’Antiquité, Pallas, 98, 2015, 272 p.

— Régis Courtray et Jean-Christophe Courtil (éds.), Toucher le corps dans l’Antiquité, Gaia, 20, 2017, p. 73-222

— Régis Courtray et Jean-Christophe Courtil (éds.), Des goûts et des odeurs, Pallas, 106, 2018, p. 10-164.

Les organisateurs ont souhaité clôturer ce sous-axe de recherche par l’organisation d’une rencontre transversale associant les membres de PLH qui ont abordé les mêmes thèmes, mais dans des cadres chronologiques et conceptuels différents : une conférence a été organisée dans cette optique par Régis Courtray, avec Florence Bouchet et Adeline Grand-Clément, au Quai des Savoirs de Toulouse le 21 mars 2017 sur « Les cinq sens de l’Antiquité au Moyen Âge ». 

 Jean-Christophe Courtil a assuré la diffusion des travaux du CRATA sur le goût et les odeurs, en participant à l’émission de France Culture « La fabrique de l’histoire » sur les parfums et les odeurs du 18 avril 2018

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b. La fabrication de l’Antiquité par les Anciens

La temporalité a constitué aussi un axe privilégié, - c’est une des orientations fondamentales de tout PLH-, mais a été traitée en collaboration avec ERASME dans le cadre d’un séminaire commun autour de la Fabrique de l’Antiquité par les Anciens. Il s'agissait d'étudier comment les auteurs anciens ont,  à différentes époques, produit une image plus ou moins fictive de ce qui était, pour eux, « leur » Antiquité, reconstituée et fantasmée suivant des modalités et en vue de finalités dont l’exploration offre un vaste champ d’enquête : les images ou les héritages du passé idéalisés et/ou déformés dans la littérature et dans les images ; la réécriture et la réinterprétation par les Anciens des textes de leurs prédécesseurs ; les reconstitutions imaginaires à la base des réflexions sur les origines ; les usages rhétoriques ou philosophiques de la notion d’ancienneté, etc. 
Les séances de séminaire ont porté respectivement sur « La fabrication des origines : étiologies et étymologies », janvier-avril 2017. Organisateurs : E. Dieu, A. Klinger-Dollé, P. Payen, F. Ripoll ; « Façonner les normes : émergence et signification des modèles », janvier-avril 2018. Organisateurs : A. Klinger-Dollé, P. Payen, C. Raïos, F. Ripoll. Le thème a été en partie repris l'année suivante dans « Façonner les normes, matérialiser les repères : émergence et signification des modèles et des objets de mémoire », Toulouse, janvier-avril 2019. Organisateurs : A. Klinger-Dollé, P. Payen, C. Raïos, F. Ripoll. 

Le premier cycle (2016-2017) a porté plus spécifiquement sur les questions d’invention et d’interprétation étiologiques et étymologiques. Ont été notamment abordés dans une perspective transdisciplinaire les problèmes de méthodologie historique de la recherche des causes dans l’historiographie grecque (Hérodote, Thucydide), la question de l’étiologie médicale (à travers Sénèque), l’étiologie dans la religion dionysiaque, la fonction des mythes étiologiques dans la poésie alexandrine (Callimaque) et néo-alexandrine (Ovide), les spéculations étymologiques antiques liées à la toponymie (origine du nom de Rome et de celui des Pyrénées), les usages rhétoriques de l’étiologie (dans la Seconde Sophistique), ainsi que le prolongement de la démarche étymologique des Anciens à la Renaissance (Guillaume Budé) avant l’émergence de l’étymologie scientifique. 

Le cycle 2017-2018, étendu avec un élargissement thématique à l’année 2018-2019, était axé sur la question de la constitution des modèles et des normes, tant sur le plan esthétique (problème de la représentation du divin, et notamment de Zeus, dans les arts figurés) que moral (notion de contre-nature dans la pensée antique, rôle des censeurs dans la constitution de la norme romaine, valeur exemplaire des figures héroïques dans les Nekyiai épiques, figures de chasteté chez les Pères latins), politique (normes civiques à Athènes, modèles de bons souverains dans le monde grec et proche-oriental) et littéraire (listes d’autorités dans la Seconde Sophistique, canons d’auteurs chez Quintilien, présence des modèles antiques dans la littérature pédagogique de la Renaissance). Une publication est envisagée sous forme d’actes réunissant les contributions originales les plus marquantes après l’achèvement du cycle 2018-2019

 

Ces séances trouvent par ailleurs une forme d'aboutissement dans le colloque « Déchéance et réhabilitation des objets, des personnes et des espaces dans les sociétés gréco-romaines », surtout en ce qui concerne la question des lieux et espaces abandonnés puis réinvestis, organisé en avril 2019 par le CRATA et auquel participent des membres d'ERASME. 

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c. La représentation de l’Antiquité par l’image
(resp. Jean-Marc Luce)

La réflexion a été engagée par un séminaire sur « Les logiques de l'image dans l'Antiquité » (2015-2016) organisé par Jean-Marc Luce qui a été l'occasion de revoir les principes de lecture de l'image et la question des filtres  et des enjeux dans la représentation. L'équipe a soutenu financièrement la publication de la thèse d'Estelle Galbois rattachée à ce thème de recherche : Images du pouvoir et pouvoir de l’image. Les “médaillons-portraits” miniatures des Lagides, Scripta Antiqua 113, Bordeaux, 2018 et  a coorganisé le colloque diachronique et pluridisciplinaire de 2015, Penser le « petit » de l'Antiquité au premier XXe s. Approches textuelles et pratiques de la miniaturisation artistique, Toulouse, publié en 2017, dans la coll. Varia, réflexions critiques, Éditions Fage, Lyon, 192 p., Sophie Duhem, Estelle Galbois, Anne Perrin Khelissa (éd.). 

La structuration de l’image est également à l’étude dans la thèse préparée par Laura Sageaux (dir. Jean-Marc Luce) : L'image dans l'image dans les arts gréco-romains. La représentation de la sculpture antique au sein des créations artistiques, de la fondation d'Alexandrie d'Égypte à la fin du Ier siècle de notre ère. L'exemple de la glyptique.

Parmi les analyses iconographiques, le couple aspectivité-perspectivité a été étudié et approfondi au cours de ce quinquennal. Le terme d'aspective a été  élaboré il y a près d’un demi-siècle par l’égyptologue allemande Emma Brummer-Traut, pour désigner un mode de représentation qui, à l’inverse de la vision perspective, mise au point par les Grecs entre la fin du VIe siècle et le milieu du Ve siècle, associe plusieurs points de vue. L’aspective peut aussi regrouper plusieurs moments d’une même histoire dans une image unique, qui, elle, se lit en un seul instant. L’image devient ainsi plus une construction qu’une représentation. Ce mode de représentation caractérise l’art de nombreuses cultures avant la fin du VIe siècle, dont celui des Grecs eux-mêmes. Le concept d’aspective constitue un outil heuristique de premier plan pour renouveler l'approche de l'iconographie grecque, tout particulièrement aux époques géométrique et archaïque car il permet de décrypter une sorte de grammaire de l’image qui n’avait jamais été étudiée jusqu’ici de façon systématique. Sur cette question, Éléna Oulié, doctorante sous la direction de Jean-Marc Luce,  a d’abord organisé, en collaboration avec Dominique Farout, égyptologue membre associé du CRATA, une journée d’études (5 octobre 2015) : À côté de la perspective, les modes d'expression aspectifs,  dont les actes sont parus dans la revue Pallas n°105 (2017) sous le titre : L’aspective dans l’art antique.  D’autre part, Eléna Oulié a soutenu, le 6 juillet 2018, une thèse sur ce thème, intitulée : L'aspective sur la céramique attique du VIIIe siècle av. J.-C au premier quart du VIe siècle avant J.-C., dont une publication sera rapidement tirée. L’aspective est-elle un simple procédé graphique ou relève-t-elle d’une mentalité particulière, propre, en Grèce, à l’archaïsme ? Une application de ce concept à la poésie a été tentée à propos de Delphes (voir la contribution de Jean-Marc Luce dans Delphes et la littérature d’Homère à nos jours).

Pour ces travaux d’iconographie, l’équipe a continué sa collaboration avec l’université technologique de Troyes pour l’utilisation du logiciel Porphyry (crée par Aurélien Bénel, maître de conférences dans cette université), un logiciel qui permet d’établir une base de données d’images et d’utiliser des outils de recherche interne multicritères novateurs. Pour plus de détails, voir http://www.revue-texto.net/Parutions/Livres-E/Albi-2006/Benel.pdf

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d. La représentation sur la scène

Enfin, la question des représentations pose aussi celle de la scène. Même si le théâtre ne constitue plus un axe central des recherches du CRATA, il y est toujours question de représentation (un masque est une image). La comparaison entre les artistes de l’Antiquité et ceux d’aujourd’hui peut aussi se révéler fructueuse pour étudier le système des représentations sur la scène. C'est l'approche qu'a proposé Marie-Hélène Garelli le 12 février 2016, au cours de l'organisation et de l'animation de la Table ronde « Théâtre antique et enjeux contemporains : créer dans l’écart » au Théâtre Sorano de Toulouse, avec Grégory Bourut, Jean-Claude Bastos, Pierre Letessier dans le cadre du séminaire Passeurs de PLH. La table-ronde organisée par Jean-Pierre Aygon, ancien membre du CRATA et désormais associé (Sénèque: un philosophe homme de théâtre, les 30 et 31 mars 2012 à l’ENS ULM, et publiée dans Pallas n° 95, 2014) abordait tout autant la question de la représentation et de la part de la mise en scène chez l'auteur latin.  

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